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« Mines Saint-Etienne va approfondir sa trajectoire de Technological University »

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Olivier Rollot
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Face aux enjeux climatiques et environnementaux quelle stratégie définir ? Une question que se posent toutes les école d'ingénieurs et singulièrement Jacques Fayolle, directeur des Mines Saint-Etienne depuis mai 2022 qui préside également aux destinées de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs) depuis 2019. 

Olivier Rollot : Vous avez pris la direction de l’école des Mines Saint-Etienne au mois de mai dernier après avoir dirigé pendant dix ans Télécom Saint-Etienne. Quelles différences notez-vous entre les deux écoles ?

Jacques Fayolle : Mines Saint-Etienne est une école avec une histoire importante, fondée en 1816, qui dépend d’un ministère technique, celui de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Je mesure aujourd’hui l’efficacité d’un certain nombre de processus dans la recherche partenariale, les relations avec les entreprises ou encore la formation continue. Alors que les universités sont parfois séparées dès leur racine entre la formation et la recherche, à charge aux enseignants-chercheurs de faire la jonction dans leur cerveau, aux Mines Saint-Etienne les 2 processus sont intriqués. 
Nous possédons cinq centres de formation et de recherche thématiques qui couvrent la formation comme la recherche. Nous pouvons ainsi fournir aux entreprises une réponse complète tant en termes de formation que d’innovation. Cela change vraiment la donne d’apporter une réponse globale aux problématiques technologiques. Aujourd’hui ces centres de recherche comptent 200 doctorants et génèrent 9 millions d’euros de chiffre d’affaires contre six millions il y a quatre ans. Notre taux de réussite aux appels d’offre de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) est de 44% quand il est en moyenne de 20% en France.
Une autre particularité des Mines Saint-Etienne est d’être la seule école d'ingénieurs à posséder un centre de culture scientifique, La Rotonde.
 
O. R : Mines Saint-Etienne c’est d’abord un cursus très connu d’ingénieur civil. On en voit beaucoup naitre aujourd’hui : allez-vous développer un bachelor ?

J. F : Mines Saint-Etienne accueille cette année plus de 2 300 élèves avec une augmentation de ses l’effectifs de 30% ces cinq dernières années. Si la formation d’ingénieur civil est notre locomotive, nous sommes également la deuxième école d’ingénieurs à accueillir le plus d’apprentis derrière le Cesi. Nous proposons des diplômes d’ingénieur en apprentissage spécifiques grâce à notre opérateur ISTP - trois nouveaux diplômes cette année – pour répondre à des demandes précises. Nous recevons aussi beaucoup d’étudiants en admission sur titre (AST) et du monde entier. 
Mais non, nous ne comptons pas délivrer de bachelor à court terme. Nous sommes plutôt dans une stratégie de développement et d’approfondissement de doubles compétences au niveau ingénieur et master. Nous recevons par exemple cette année les premiers étudiants du double diplôme FUSION que nous avons créé avec emlyon. En quatre ans les étudiants obtiennent notre diplôme d’ingénieur civil des mines et celui de la Grande Ecole de emlyon. Quatre années qui ne sont pas deux plus deux comme ailleurs mais avec des programmes entremêlés pendant quatre ans. Nous recevons 31 étudiants dans cette première promotion. Les droits d’inscription de ce diplôme très ambitieux sont de 11 000€ par an.
 
O. R : Allez-vous mettre en œuvre une nouvelle stratégie ?

J. F : Nous voulons approfondir notre trajectoire de Technological University. C’est-à-dire une école d'ingénieurs capable de répondre globalement aux demandes des entreprises et de la société. A 360° en local et à l’international, en partant des besoins des entreprises quand l’université est plutôt tirée traditionnellement par une stratégie d’offre.
En cohérence avec la stratégie de l’Institut Mines Télécom (IMT), nous voulons imaginer et construire un avenir durable et former ses acteurs. Le développement durable et la responsabilité sociétale sont des leviers de croissance essentiels pour l’industrie du futur et pour la santé du futur, les deux piliers scientifiques de notre école. Nous avons donc décidé de placer le développement durable et responsabilité sociétale (DDRS) au cœur de nos activités de formation, de recherche, d’innovation et de diffusion de la culture scientifique. Pour l’illustrer, nous travaillons par exemple sur la question des limites planétaires avec une grande chaine commerciale française en nous appuyant sur l’impact écologique du panier moyen d’un consommateur. 
Notre qualité de recherche pour la transition écologique est reconnue par le classement du Times Higher Education sur l’impact qui nous classe dans le top 100 de la recherche sur les villes et communautés durables (1ère place en France) et le top 200 sur les énergies propres.

O. R : Quelle autre priorité vous donnez-vous ?

J. F : Notre nouvelle stratégie visera aussi à consolider notre positionnement d’acteur incontournable de l’industrie et de la santé du futur, en participant au développement économique régional et en rayonnant à l’international. Nous souhaitons notamment poursuivre notre trajectoire sur l’industrie du futur et être la Technological University de référence en ingénierie santé.
Nous formons en doubles diplômes des pharmaciens et des médecins ingénieurs et développons toute une ingénierie dédiée. Depuis des années nous travaillions par exemple sur la thérapie des particules inhalées pour produire des solutions de purification de l’air. Lors de la crise Covid nous avons été en mesure de créer des bancs de tests pour certifier la qualité des masques. Aujourd’hui nos chercheurs sont en train de créer une start-up, Killvid, pour produire des purificateurs de l’air pour des lieux publics qui élimineront 99,9% des particules, dont bien sûr celles du Covid. La cohérence avec notre offre de formation est assurée en permanence. Ainsi, cette recherche est déclinée immédiatement au sein de notre cursus médecin-ingénieur.
 
O. R : C’est un bel exemple de recherche appliquée. Vous en avez d’autres aussi marquants ?

J. F : De très nombreux. Nos chercheurs travaillent par exemple sur la modélisation d’écoulement diphasique. Il s’agit d’optimiser les systèmes de transport de gaz – objectif 20% de pertes en moins - dans les pilotages de grands sites industriels. 
En Intelligence Artificielle (IA) nous travaillons sur la data composition des alliages métalliques, dans le cadre d’un programme franco-allemand sur l’Industrie du futur, qui consiste à produire de nouveaux matériaux avec une imprimante 3D métal.

O. R : Quels sont vos objectifs à l’international ?

J. F : Mines Saint-Etienne fait partie des huit écoles d’ingénieurs françaises qui ont intégré le réseau T.I.M.E qui accueille les meilleures universités technologiques mondiales. Dans ce cadre, deux accords ont été signés en septembre 2022 avec Riga (Lettonie) et l’Université de Padoue (Italie) : des accords permis d’abord par des relations interpersonnelles. Nous finançons par exemple des mobilités longues de nos enseignants chercheurs, entrantes et sortantes, avec nos partenaires de TIME : la TU Wien, le Politecnico de Milano ou encore Polytechnique Montréal.
 
O. R : Une question d’actualité imparable en ce moment : quel impact aura l’augmentation du prix de l’énergie sur vos finances en 2023 ?

J. F : L’estimation à date de nos services est que la facture devrait augmenter de 127% soit un million sur l’année 2023. Nous pensons à optimiser l’utilisation de certains dispositifs de recherche très énergivores, ou des bâtiments en regroupant tous les personnels administratifs dans les mêmes locaux les jours où les étudiants ne sont pas là. Nous pourrions également baisser la température dans les salles de travaux pratiques. Mais en aucun cas, nous ne dirons aux étudiants de rester chez eux. 
Financièrement nous espérons obtenir un accompagnement de l’état pour palier à   cette situation critique.